Rencontre avec Marc DUEZ, Lauréat 2006 et Membre Réseau Entreprendre® Nord

« Qu’est-ce qui fait courir un serial entrepreneur ? »

Ces entrepreneurs à succès n’ont pas une, mais deux, voire trois ou quatre créations d’entreprise à leur actif. C’est ce qu’on nomme des serials entrepreneurs : ils ont tous en commun la passion d’entreprendre, l’envie de réussir et le goût du challenge. Jamais lassés, ils ne savent pas s’arrêter. Ils ont sans cesse des projets dans un coin de leur tête et n’hésitent pas à repartir de zéro à chaque fois, même après un échec.

Marc est Lauréat 2006 de Réseau Entreprendre® Nord avec son frère Pierre, pour la création du réseau des Crèches 123 Soleil partiellement cédé en 2015 au groupe Babilou. Il co-dirige Enjoy Group, un groupe constamment à la recherche de nouveaux projets qui peuvent améliorer la vie des gens comme le Club Services Conciergerie (conciergerie d’entreprises) ou Better Primeur (un concept de primeur amélioré). Une quête entrepreneuriale qu’il mène depuis plus de 20 ans !

Chez Réseau Entreprendre® Nord, Marc est membre accompagnateur et intervient régulièrement comme expert en Club stratégie.

Marc Duez, à la tête de Enjoy Group, est venu partager son expérience de serial entrepreneur, lors du Club des Lauréats 2020 !

La genèse…

Je suis entrepreneur depuis maintenant plus de 20 ans. J’ai démarré ce métier jeune. A 18 ans, après le baccalauréat, je suis parti plusieurs années à l’étranger.

En revenant en France, je me sentais plus « sage » et les paroles de mon père résonnaient en moi « si tu veux avoir ton avenir entre tes mains, sois ton propre patron ». Tous les jours, je cherchais une idée d’entreprise. C’est lorsque que je me suis trouvé dans la situation du père de famille qui ne trouve pas de place dans les crèches traditionnelles pour son enfant que l’idée est venue. Donner aux entreprises la possibilité de proposer à leurs salariés de laisser leurs enfants pendant la journée. C’est comme ça que l’aventure «1,2,3 Soleil » a démarré en 2005 et nous étions un des pionniers en France .

Quand l’idée a germé, j’étais en alternance, mon frère ainé Pierre, qui est associé n’en avait pas plus d’argent que moi. On a lancé l’activité avec nos économies : 800€ chacun. Finalement, on a trouvé une solution même sans apport. A force de détermination, on a trouvé un propriétaire qui était d’accord pour nous augmenter le loyer et faire les travaux lui-même. Grâce à cette surcote de loyers, nous n’avions pas besoin d’emprunter. Ensuite, l’objectif était de signer les premières entreprises qui étaient partantes pour louer ce bâtiment. La première crèche a été opérationnelle et a connu un beau succès. Les banques étaient en confiance et ont accepté de nous faire des emprunts pour développer d’autres crèches. En moyenne, les crèches pouvaient accueillir entre 30 et 40 jeunes enfants. On en a développé une cinquantaine.

L’euphorie nous gagnait car nous nous développions rapidement et cela a failli nous coûter notre projet. Il est important de rester vigilant quand vous lancez votre projet. On s’est fait concurrencer par un groupe d’associations qui dépendait du MEDEF. Il souhaitait nous absorber mais nous avons décliné l’offre car leurs méthodes n’étaient pas loyales. Il faut être prudent quand on cherche de l’argent pour sa société, il faut s’assurer de la valeur proposée et se faire conseiller.

La croissance

Pour développer l’entreprise, on a réalisé une levée de fonds avec un industriel. Avec mon frère, on était réfractaire à cette idée mais on s’est vite rendu compte qu’on ne pourrait pas croitre rapidement. On avait le choix entre faire une pause de trois, quatre ans en raison de notre endettement ou alors faire une levée de fonds. On avait l’impression de perdre notre âme…

Grâce aux échanges lors des clubs de Lauréats de Réseau Entreprendre® Nord, nos réflexions ont évolué, à chaque fois nous avions des bons échos sur la levée de fonds.

J’ai tiré plusieurs enseignements sur cette levée de fonds notamment « qui rend compte se rend compte ». Tant que j’étais avec mon frère, on ne rendait de compte à personne. Mais finalement, ce n’est pas positif car on s’autoglorifie. Intégrer un financeur extérieur au capital a permis de se remettre en question et d’améliorer des KPIS de l’entreprise.

L’importance de travailler sa vision

Avant l’entrée de l’investisseur, l’effectif de l’entreprise était d’une centaine de salariés. On était satisfait. La force de cet investisseur était sa vision. Il avait monté sa première crèche en se projetant dans dix ans et avec comme ambition d’être numéro un mondial. On s’est rendu compte qu’on était sur notre « petite » départementale et eux sur une autoroute à cinq voies. On a tenté de rattraper notre retard ce qui a permis de grandir mais on était déjà largement loin derrière. Tout est une question de vision et du milieu d’où vous venez car vous fixez vos propres limites. Ces limites n’existent pas pour ceux qui ont vu qu’elles pouvaient être franchies par les autres avant vous. Puis on s’est vite rendu compte que la France était un village. On a développé des crèches à Rennes, Paris, Nice… En 2015, on a laissé les clefs de la partie française. On avait encore plein d’autres idées d’entreprises, on avait besoin de prendre du temps avec nos familles… et on avait envie d’entreprendre sans épée de Damoclès. Même si c’était rentable, les dettes sont présentes et on ne sait jamais ce qui va se passer politiquement. Les doutes ne devraient pas exister car rien ne vaut la confiance dans ce qu’on accompli car c’est ce qui forge le résultat de demain. Lors de la vente, on a signé une clause de non-concurrence en France puis on a développé en Allemagne, en Corée, en Suisse et on a monté d’autres business.

Les enseignements

L’importance de la fusion/acquisition. En France, on ne bouge pas assez vite sur ces sujets. Même en étant plus petit qu’un concurrent, je vous encourage vivement quand vous êtes sur des marchés où il y a de l’acquisition à le faire le plus tôt possible. C’est un des leviers qui permet de développer l’entreprise. Aujourd’hui, 80% de notre activité, c’est de l’acquisition. C’est un gain de temps et c’est très intéressant. Dès fois, on rachète un concurrent qui est plus gros que nous mais qui n’a pas peut-être pas la bonne stratégie. Le levier avec les banques est beaucoup plus facile avec de l’acquisition que sur un projet vierge.

Notre métier est d’entreprendre donc quand je termine un projet, je me remets immédiatement dans un autre. Le plaisir de créer on l’a toujours. Comme je ne sais pas entreprendre à moitié, soit j’interviens en tant qu’investisseur et je garde mes distances et c’est la personne qui est en face de moi qui a toute l’énergie, l’envie et la volonté d’y aller, soit je pilote le projet.

Aujourd’hui je peux dire que je suis très reconnaissant de ces années passées qui m’ont fait progresser énormément et qui m’ont rendu humble. Si j’avais eu un succès fulgurant sans échecs et sans grandes peurs, je crois que j’aurai cru être un cador et j’aurai été une personne détestable.

Il faut avoir vécu assez de frisson pour se dire qu’on en a plus besoin. On prend toujours des risques mais avec beaucoup plus de sagesse. Chez Réseau Entreprendre® Nord, il y a des vraies réflexions qui peuvent être apportées, le tout c’est d’avoir l’humilité de les écouter.

ENJOY GROUP

Effectif cumulé : 600 collaborateurs

CA : 55M€