Lorsqu’un entrepreneur conduit le changement dans son usine et la transforme en “industrie du futur”, le digital est l’élément clé de sa réussite. Réseau Entreprendre®, en partenariat avec Microsoft, vous propose de découvrir différentes approches de la digitalisation des entreprises parmi les lauréats du réseau.
Nouvel épisode avec Sylvain Croquet, repreneur de l’entreprise Décolletage du Berry, une industrie lourde qu’il a modernisée et pour laquelle il a engagé une transition numérique et digitale. Il témoigne pour encourager d’autres entrepreneurs qui souhaiteraient se lancer dans la digitalisation de leur entreprise. 

Sylvain Croquet, vous êtes lauréat de Réseau Entreprendre® Loir et Berry et avez repris l’entreprise le Décolletage du Berry en 2019, une entreprise industrielle historique. Pouvez-vous nous présenter son activité et le contexte dans lequel vous avez effectué cette acquisition ? 
Entreprise industrielle française de près de 100 ans basée à Saint-Florent-sur-Cher (en région Centre-Val de Loire), Décolletage du Berry (DDB) a été créée en 1925 par Kléber Duchet. Reprise par son fils puis par un collaborateur, la société a connu plusieurs années de difficultés financières au début des années 2000. Malgré sa situation économique compliquée, les clients lui sont restés fidèles. DDB a ensuite a été vendu à un groupe. et est resté près de 20 ans sans aucun investissement (usine, machines…) ni modernisation. Au moment où j’ai repris la société, en avril 2019, la tâche était considérable pour l’amener à l’ère digitale. 

Nous sommes spécialisés dans l’usinage de pièces à partir de barres de métal en petite et moyenne séries, pour les secteurs aéronautique, militaire, médical ou de manutention. Nous employons une vingtaine de salariés. Malgré leurs compétences professionnelles, tout restait à faire aux plans industriel et commercial car le carnet de commande n’était plus soutenu que par des clients historiques, avec des marchés en fin de vie. Pendant l’année de rachat, j’ai pu établir un diagnostic et préparer la renaissance de l’entreprise. Je partais de zéro, mais les clients ainsi que le potentiel industriel étaient là. 

En février 2020, nous avons commencé à rénover les bâtiments. Ensuite le COVID est venu tout stopper. Il a fallu faire face à cette situation inédite et absorber les conséquences commerciales, financière, stratégiques et le décalage du projet. Nous avons redémarré les travaux en mai 2020 jusqu’au 30 mars 2021, sans arrêt de production. La digitalisation pouvait commencer. 

Dès le début, vous avez souhaité donner un second souffle à cette entreprise en la modernisant mais aussi en engageant sa transition numérique. Pourquoi avoir lancé ce chantier ? Pouvez-vous nous dire en quoi consistait concrètement ce projet ?  Quels bénéfices cela vous a-t-il apporté ? 
Notre stratégie « Industrie du Futur » a été intégrée en septembre 2020, avec l’industrialisation numérique de la production sur une période de 2 ans. Nous avons tout revu : la pénibilité des postes de travail, la sécurité, les normes environnementales. Il était important pour moi que les salariés travaillent dans de bonnes conditions. 

Dans ce projet, nous avons également investi sur un logiciel MES (Manufacturing Execution System), qui est un système informatique dont l’objectif est d’abord de collecter en temps réel les données de production. Celles-ci permettent ensuite de mieux piloter et gérer la production par un suivi de la production plus précis, une gestion de la traçabilité, un contrôle de la qualité, une gestion de la maintenance préventive…  Le but étant aussi d’optimiser nos outils de production et de tendre vers le zéro papier. Nous avons aussi automatisé nos moyens de contrôle et acheté de nouvelles machines. Grâce à ces outils de l’industrie 4.0, comme la métrologie connectée nous gagnons du temps. A titre d’exemple, nous sommes passés de 15 minutes à 15 secondes par contrôle. C’est une vraie valeur ajoutée pour les collaborateurs et un gage de confiance pour nos clients.  

Grâce à ces outils de l’industrie 4.0, nous gagnons du temps.

Toute cette période de transformation a impacté notre qualité de service et nos délais de livraison, mais nos clients ont suivi. Pour les remercier et assuré leur fidélité, nous leur avons proposé de maintenir nos prix pendant 4 ans, et ce malgré les augmentations des matières premières, de l’énergie et des autres charges. Cela a été possible grâce à la révision en interne de tous nos flux logistiques et l’optimisation de nos temps de production. 

Nous avons installé de nouvelles machines de décolletage ainsi qu’un robot AGV (Automated Guided Vehicle) qui réduit la pénibilité des collaborateurs en se substituant à eux pour des tâches répétitives. Nous investissons aussi sur des ilots robotisés pour le déchargement de nos pièces et leur mise en carton. Grâce à ces robots, nous pouvons faire monter en compétence nos salariés, en les formant sur d’autres machines et sur les logiciels de programme que nous avons acquis. Nous avons encore 5 ans de transformation devant nous. Notre valeur ajoutée nous permet de nous positionner pour prendre des nouveaux marchés. Le chiffre d’affaires suivra grâce à toutes les modernisations que nous avons apportées. 

Vous êtes une entreprise de B to B, quels outils utilisez-vous pour cette transition digitale ? 
Nous avons notamment décidé de moderniser nos outils industriels en choisissant une nouvelle solution de Fabrication Assistée par Ordinateur (FAO). Cela permet d’écrire le fichier contenant le programme de pilotage d’une machine-outil à commande numérique. Ce fichier va décrire précisément les mouvements que doit exécuter la machine-outil pour réaliser la pièce demandée et permettre aussi une modélisation en 3D. 

Quels conseils donneriez-vous à un dirigeant qui souhaiterait digitaliser son entreprise ? 
De bien s’entourer, d’être dans les bons réseaux, de choisir les bons partenaires et surtout, de prendre le temps nécessaire. Dans le cadre d’une modernisation, le retour sur investissement n’est pas immédiat. Un dirigeant doit savoir attendre et valider chaque étape. J’ai dû refuser de nouveaux marchés. Savoir dire non et reconnaitre que son outil industriel n’est pas encore prêt demande beaucoup de recul.  

 

ll faut également former les équipes, bien communiquer sur les changements de l’entreprise pour qu’elles adhérent et les rassurer sur le fait que les robots ne remplacent pas l’Homme. Il y a aussi une certaine inégalité entre les jeunes (plus agiles sur le numérique) et les moins jeunes (plus expérimentés sur la partie industrielle) sur ces sujets. Ils s’enrichiront mutuellement pour faire évoluer leurs compétences.
Enfin, le dirigeant d’une PME doit anticiper les changements, faire face aux aléas quotidiens, s’adapter, s’armer de patience et investir régulièrement pour pouvoir rester compétitif afin de conserver nos emplois en France. J’ai pu voir aboutir ces projets grâce aussi à mes partenaires financiers qui m’ont fait confiance.

À lire aussi :
La transition digitale source d’innovation et de croissance des entreprises #1, Les Petits Culottés, lauréat de Réseau Entreprendre® Paris.
La transition digitale source d’innovation et de croissance des entreprises #2, Popee, lauréate de Réseau Entreprendre® Paris.